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Histoire de l’hygiène corporelle : Moyen Âge et Renaissance

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Le concept d’hygiène a évolué en fonction de l’idée que les gens se faisaient de leur corps. La pratique de la propreté personnelle a changé avec les transformations du religieux, des relations sociales, des idéologies et des connaissances médicales qui, au cours des différentes périodes historiques, ont marqué le développement de la civilisation.

Nous avons vu dans un précédent article, que pendant la période classique grecque et romaine, le bain était considéré comme une activité de détente, de réconfort et de bien-être physique. La chute de l’Empire romain entraine également une crise idéologique. Au Moyen Âge, la notion d’hygiène est déjà présente même si le mot n’existe pas encore. Néanmoins les pratiques varient selon les couches de la société et selon que l’on se trouve en ville ou à la campagne.

L’hygiène corporelle au Moyen Âge

À l’époque médiévale les pratiques d’hygiène ont considérablement changé. Deux événements historiques importants interviennent pour provoquer un changement profond des mœurs hygiéniques : les invasions barbares du Ve siècle qui bouleversent les structures économiques, idéologiques et sociales sur lesquelles reposait l’Empire romain et la montée progressive du christianisme qui condamne la manière de concevoir ces plaisirs du corps qui, dans l’Antiquité gréco-romaine, étaient considérés comme des valeurs positives.

La chute de l’Empire romain et la décadence des travaux visant à améliorer l’approvisionnement en eau de la ville provoquent une crise d’utilisation des thermes.

Les campagnes se vident et dans les villes, des habitudes telles que l’élevage d’animaux domestiques, de poules, d’oies et de cochons, se heurtent aux normes d’hygiène les plus élémentaires. Les vêtements sont lavés dans les eaux des rivières, où fréquemment des déchets sont déversés, des carcasses d’animaux sont retrouvées, ainsi que des liquides infects provenant de tanneries et de teintureries.

Les murailles fortifiées encerclant les cités médiévales limitent leur développement et obligent leurs habitants à vivre dans des espaces de plus en plus réduits. Les rues, étroites et tortueuses, dépourvues de pavé jusqu’aux XII-XIV siècles, sont souvent envahies par la boue et les débris.

La crise idéologique qui compromet profondément la civilisation gréco-latine est favorisée par les philosophes de la fin de la période classique et par les religions – principalement d’origine orientale – qui favorisent une attitude d’endurance passive aux adversités terrestres et de détachement de la vie réelle. Tout cela contribue d’une part, à la diffusion de l’idée que le corps est l’ennemi de l’esprit, et d’autre part, à la naissance d’un certain scepticisme quant à l’utilité de l’étude de la nature et des connaissances scientifiques.

Même la médecine perd de sa crédibilité et une conviction naît que la maladie peut être vaincue en se tournant vers une divinité par la prière plutôt que vers des médecins et des transmettre les vestiges de la culture classique, tout ce qui concerne les soins hygiéniques et esthétiques du corps continuera au contraire à faire l’objet de réprobation et de condamnation pendant des siècles.

Tapisserie médiévale - Anonyme - XVe ou XVIe s.
Tapisserie médiévale – Anonyme – XVe ou XVIe s. – Musée National du Moyen Âge, Paris

Les maisons des riches laïques étaient équipées de baignoires en bois pour le bain, dont l’usage était indispensable en raison de l’habitude de changer rarement de sous-vêtements, qui n’étaient retirés que la nuit pour entrer nus dans le lit. Les baignoires, généralement rondes, étaient parfois de forme ovale afin de pouvoir prendre un bain avec d’autres membres de la famille ou peut-être avec des invités.

À partir des XII-XIIIe siècles, des changements sociaux importants s’effectuent : les bains chauds et froids deviennent plus ou moins habituels dans toutes les classes sociales. Le corps redevient considéré par la classe féodale – passionnée de chasse, de tournois et de batailles – comme un instrument de force physique.

Mais alors qu’avant la nudité était considérée comme indécente et pécheresse, à cette époque, le respect et l’attention à la corporéité de l’homme sont recouvrés. Le nettoyage de la peau ainsi que – et surtout – sa décoration par la cosmétique est traditionnellement étroitement associé aux femmes qui, avec l’épanouissement des mœurs chevaleresques, triomphent en mères de héros, dispensatrices de grâce.

Des connaissances approfondies dans les domaines de la médecine et la cosmétique est le fruit des traités de médecine arabe, introduits en Europe après la conquête de Tolède en 1085 par Alphonse VI de Castille qui devinrent, grâce aux traductions latines (Hippocrate, Aristote, Galien) et aux ouvrages arabes, le siège d’un mouvement ayant des dimensions européennes.

Le savoir-faire du savon, introduit en Europe au VIIe siècle dans le sillage de l’expansion arabe, se diffuse et se perfectionne grâce au remplacement de la graisse animale, qui dégageait une odeur désagréable, par l’huile d’olive.

À cette période, le lavage est plus fréquent, non seulement pour des raisons sociales mais aussi pour le respect d’autrui, surtout s’il appartient aux classes sociales supérieures. Le bain redevient une occasion de relations sociales et de plaisir.

Charlemagne (742-814) déjà bien des années auparavant, avait repris les traditions de la Rome impériale, utilisant des bassins contenant l’eau thermale chaude d’Aix-la-Chapelle, invitant souvent les gens de sa cour et aussi ses gardes à prendre un bain avec lui.

Au début du XIIe siècle, l’usage du bain de vapeur, très apprécié des Romains, est redécouvert par les Croisés qui l’apprennent des Arabes lors de leur séjour en Palestine et l’importent en Europe.

Bains publics au Moyen Âge
Bains publics au Moyen Âge

De meilleures conditions économiques, des normes sociales et politiques différentes favorisent la popularité et la croissance des établissements thermaux : en Allemagne, en Espagne, en Italie, en France – à Paris en 1292 il y en a en vingt-six. Mais on peut affirmer sans risque dans chaque ville ou grand village, se développent des systèmes analogues aux thermes des païens romains, bien qu’il s’agisse de structures plus modestes.

Ces établissements balnéaires – également appelés « étuves » en raison de la présence de systèmes de production d’eau chaude – étaient très importants pour la vie de l’époque : ils étaient assidûment fréquentés non seulement pour des besoins d’hygiène mais aussi pour des raisons moins essentielles. En effet, bien que – au moins pendant un certain temps – les établissements balnéaires aient été fréquentés à des jours différents par les hommes et les femmes et que des lieux distincts aient existé pour les deux, bientôt bains publics et maisons closes sont devenus pratiquement synonymes, particulièrement à partir du XIIIe siècle.

L’Église ne tarda pas à prendre position contre ces lieux de vice et de péché, mais ce n’est qu’au XVe siècle qu’il fut rendu obligatoire de séparer les bains des hommes de ceux des femmes. Les autorités savaient très bien que les bains publics pouvaient être un lieu de rixes et de crimes contre les personnes et leur domicile, mais souvent leur intervention était limitée par quelques personnages de haut rang qui participaient effectivement aux orgies.

L’une des raisons qui a entravé l’utilisation du bain était la conviction répandue que les bains d’eau et de vapeur étaient dangereux car ils dilataient les pores de la peau, exposant ainsi le corps au passage d’air infecté à travers la peau, qui restait responsable des plus graves pestes et autres maladies, y compris la syphilis. Ceci explique l’habitude de « nettoyer à sec » la peau et l’utilisation abondante d’essences parfumées en vogue aux XVIe et XVIIe siècles.

Au Moyen Âge, les souverains, nobles et paysans mangent et prennent de la nourriture dans une assiette commune en utilisant leurs mains, bien que la classe la plus élevée soit un peu plus raffinée : ils n’utilisent pas les deux mains mais seulement trois doigts. Alors que dans la société byzantine, au moins dès le XIe siècle, les fourchettes étaient déjà connues, leur usage n’a été introduit dans le monde occidental qu’aux XVIe-XVIIe siècles : d’abord en Italie, à Venise à la fin des années 1500, plus tard en France puis aussi en Angleterre et en Allemagne.

Dans les recueils médiévaux de règles de bonne conduite à table – règles, bien sûr, destinées uniquement aux nobles et aux gens de la cour – il est recommandé, entre autres, de ne pas se moucher sur la nappe, de ne pas se gratter ou, si c’est absolument indispensable, non pas de le faire à main nue mais plutôt d’utiliser ses vêtements ; ne pas se mettre le doigt dans les oreilles, le nez ou les yeux, et, à défaut de serviette de table, ne pas se laver les mains sur les vêtements ou les lécher, mais plutôt les laisser sécher tout seuls…

Cela implique, certes, que les normes de comportement – surtout parmi les classes les moins aisées – étaient assez basses, et que les manières raffinées n’étaient pas encore perçues comme un besoin commun.

À la fin du Moyen Âge, malgré quelques faibles signes d’attention à l’hygiène personnelle, les difficultés environnementales, les conditionnements moraux et la menace de maladie éloignèrent de quelques siècles encore les chances d’une quelconque amélioration des conditions d’hygiène telles que nous les connaissons aujourd’hui.

Le lavage à l’eau et au savon est dans le meilleur des cas réservé aux vêtements tandis que pour le corps, le nettoyage à sec et les parfums sont utilisés.

L’hygiène corporelle au temps de la Renaissance

À partir d’une certaine époque, les hommes du Moyen Âge se soucient davantage de la propreté de leur corps que leurs descendants, en particulier des XVIe et XVIIe siècles : la décadence de l’hygiène corporelle à cette époque tient à plusieurs causes différentes, parmi lesquelles dont aussi la fermeture des bains publics due – outre le comportement hostile de l’Église – également à la crainte de contracter la peste, la syphilis ou d’autres maladies dans de tels lieux.

Après un Moyen Age placé sous le signe de l’austérité, la Renaissance se veut pourtant une période de renouveau. Les artistes de l’époque redécouvrent les arts et la culture antique. Cependant toutes les traditions de l’Antiquité ne sont pas remises au goût du jour. Une exception vient confirmer la règle : la pratique antique de l’hygiène est totalement occultée.

L’avènement de la toilette sèche

Bien que les thermes dans le quotidien des Romains étaient considérés comme un lieu d’importance, à la Renaissance, le goût des peuples antiques pour l’eau est vu comme une curiosité. En effet, la peste et la syphilis laissent les médecins de l’époque perplexes et impuissants.

Personne ne sait comment soigner ces épidémies. L’eau devient alors l’objet de toutes les suspicions. Elle est accusée de favoriser les maladies en permettant un meilleur accès aux pores de la peau. En 1655, le médecin du roi Théophraste Renaudot déclare même que « le bain extermine le corps et emplie la tête de vapeurs ».

Alors que cette période est le théâtre de grandes découvertes scientifiques, ce n’est pas le cas dans le domaine de l’hygiène. On assiste à un recul de la propreté avec l’avènement de la toilette sèche recommandée par les médecins. Elle consiste à se frictionner avec un linge humide et à désinfecter à l’alcool les parties visibles du corps. Il est également courant de changer plusieurs fois de tenues par jour. Cependant ce genre de privilèges est réservé aux plus aisés.

Si l’eau est totalement bannie sur recommandations du corps médical, il s’agit également d’un phénomène de société. Pour les hommes, sentir fort est une preuve de virilité. Henry IV se targuait d’ailleurs de son odeur corporelle prononcée qui, selon lui, séduisait les demoiselles de la Cour. Du côté du bas peuple, les croyances paysannes arguent que la crasse protège la peau des maladies en formant une couche protectrice.

Une société des apparences

Comme chacun sait, le roi et ses sujets ne brillaient pas par leur propreté. La cour se veut dans l’apparence de la netteté plutôt que dans l’hygiène réelle. Les nobles utilisent nombre de crèmes, poudres et parfums pour masquer les odeurs. Les courtisans adorent le maquillage et les fards, les tenues d’apparat richement décorées, les coiffures excentriques… L’heure est à l’exubérance. Les cosmétiques et autres artifices sont en vogue. On s’arrache à prix d’or les produits venus d’Italie comme la pommade de Florence portée par Catherine de Médicis.

Pour la toilette, toute l’attention se focalise sur les parties visibles du corps qui doivent paraitre nettes. On veille à la blancheur de ses vêtements, particulièrement ses manches. Le visage et les mains sont encore parfois lavés à l’eau. Un soin particulier est apporté à l’hygiène dentaire, et les premières brosses à dent font leur apparition. Paradoxalement les bains sont conseillés dans le cadre de cures. Il faut attendre la fin XVIIe pour que le britannique John Floyer réalise plusieurs essais sur les bienfaits aquatiques. À l’aube de l’époque moderne, l’eau commence à être réhabilitée.

Néanmoins au XVIIIe siècle, Paris dénombre seulement neufs complexes de bains pour 500 000 habitants. Le chemin sera encore long pour faire changer les habitudes…

Stefane Girard
Stefane Girard
Spécialiste de la relation client et de la qualité de service, tout d’abord dans le tourisme puis dans d’autres secteurs en tant que consultant, j’ai également géré une société de vente en ligne d’articles de luxe. Tout au long de ma vie, j’ai étudié des sujets qui m’ont permis de développer une sensibilité pour l’esthétique et l’admiration du savoir-faire de ceux qui travaillent avec passion et talent à magnifier notre quotidien : les artisans d'art. Ce site me permet de partager avec vous mes centres d’intérêt et de rendre hommage à ces artisans de l’excellence.
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