Le Concorso d’Eleganza Villa d’Este, situé dans le cadre pittoresque du lac de Côme, est plus qu’un simple événement, c’est une célébration de l’histoire, du talent artistique et de l’innovation de l’automobile. Créé dans les années 1920, ce concours a été témoin de l’évolution de l’automobile, d’un simple moyen de transport à un symbole de luxe et d’excellence du design. Au fil des décennies, il a connu un parcours aussi dynamique que les véhicules qu’il présente, depuis son épanouissement au début du XXe siècle, sa pause en temps de guerre, jusqu’à sa magnifique renaissance à l’ère moderne. Le Concorso d’Eleganza Villa d’Este témoigne non seulement de l’attrait intemporel des voitures classiques, mais également d’un hommage aux progrès de la technologie et du design automobiles.
1929 : événement inaugural du premier concours d’élégance automobile « Coppa d’Oro Villa d’Este »
La première « Coppa d’Oro Villa d’Este », un prestigieux concours automobile international, a eu lieu le 1er septembre 1929. Cet événement était le résultat d’un effort de collaboration de l’Automobile Club de Côme, le Grand Hôtel Villa d’Este et le Comitato di Cura di Como. Son importance a été renforcé par l’utilisation stratégique des jardins pittoresques de la Villa Olmo et de la Villa d’Este comme décor, la distinguant des autres expositions automobiles notables.
Dès sa première édition, le Concorso de la Villa d’Este a attiré plus de quatre-vingts candidatures de grande qualité, le plaçant aux côtés d’événements prestigieux à Paris et à Monte-Carlo. Fait remarquable, une voiture Isotta Fraschini, dotée d’une carrosserie Sala, a remporté la plus haute récompense, marquant un moment important pour la marque.
L’épanouissement artistique de la carrosserie : l’âge d’or de l’industrie malgré les défis économiques
Cet événement s’est produit deux mois seulement avant le krach de Wall Street, annonçant le début d’un ralentissement économique de trois ans qui a entraîné une réévaluation des priorités et accéléré la rationalisation de la construction automobile en Europe. Cela a marqué la fin de l’ère des grands designs automobiles.
Cependant, l’industrie de la carrosserie a réussi à survivre à cette période de turbulences, bénéficiant de deux décennies d’innovation artistique et de créativité qui restent sans doute sans précédent.
1930 : les débuts du Gran Premio Referendum
L’année 1930 marque une étape importante dans l’histoire du Concours d’élégance Villa d’Este avec l’introduction du Referendum Grand Prix. Ce prix innovant était unique en raison de son processus de vote, impliquant un vote secret effectué à la fois par le public et par un jury spécialisé. Cette année inaugurale a vu la Lancia Dilambda, un chef-d’œuvre du design automobile conçu avec une élégance classique par Stabilimenti Farina, remporter l’événement. Sa sélection unanime par les spectateurs et les juges a établi un niveau élevé pour la compétition, illustrant l’engagement de l’événement à honorer un art automobile exceptionnel.
1931 : l’« étoile volante » de Touring brille à la Villa d’Este
Le concours de 1931 fut un événement remarquable, particulièrement mémorable par le dévoilement des modèles « Flying Star » de Touring. Cela comprenait l’Alfa Romeo 6C 1750 GS et l’Isotta Fraschini 8ASS. Les deux véhicules, peints dans un blanc ivoire distinctif, incarnaient le rêve des biplaces de luxe.
L’Alfa Romeo, en particulier, a captivé les participants, en partie grâce à la charmante présence de sa conductrice, Josette Pozzo. Le mélange d’élégance et de design innovant de la voiture, combiné à la personnalité magnétique de Pozzo, lui a valu une double distinction : un exploit rare de gagner les faveurs du public et des juges. Ce véhicule, toujours précieux dans une collection américaine, mettait en valeur le savoir-faire exceptionnel des carrossiers milanais.
Le défilé de 1932 : un summum d’élégance et de diversité
Le concours de 1932 représente le point culminant de la première série d’événements de la Villa d’Este. À cette époque, le Gran Premio Referendum était devenu un événement central très attendu, son importance étant soulignée par l’approbation explicite du président de la Villa d’Este. Un modèle marquant de Touring, l’Alfa Romeo 8C 2300 coupé spider, a fait preuve d’un mélange d’austérité et d’élégance épurée, impressionnant à la fois le jury et le public.
L’événement a également présenté une gamme variée de véhicules, depuis les débuts de la Fiat Balillas dans diverses éditions spéciales, soulignant le penchant italien pour les voitures utilitaires de luxe, jusqu’à l’Isotta Fraschini unique au style art déco présentée par Hartmann Coachworks de Lausanne. Cette année a également vu le régime reconnaître le succès du concours, avec la participation d’Attilio Teruzzi, une personnalité militaire et politique de premier plan, à la cérémonie de remise des prix.
1933 : transition et changement de nom
En 1933, un événement inattendu amène l’entreprise Villa d’Este à se retirer de l’organisation du concours, l’Automobile Club de Côme en assumant l’entière responsabilité. L’événement, sous le patronage de la princesse Maria José, a été rebaptisé « Coppa d’Oro Principessa di Piemonte » et s’est entièrement déplacé à la Villa Olmo. L’événement de cette année, malgré l’absence du populaire Referendum Grand Prix, a continué de susciter un haut niveau d’intérêt et de participation.
Les véhicules présentés durant cette période reflètent l’évolution du design automobile, avec des lignes de plus en plus fluides. Malgré les défis politiques et l’évolution de l’Italie vers l’isolationnisme, l’événement a conservé son caractère cosmopolite et sa popularité, faisant de Côme une vitrine automnale de la dernière mode en matière de carrosserie.
À partir de 1934, l’événement diversifie encore son attrait avec l’introduction d’un défilé de mode féminine, mettant en vedette les vêtements des maisons de couture les plus prestigieuses de Milan.
1935-1937 : une époque mouvementée pour l’élégance automobile
L’introduction des prix du duc de Spolète en 1935
En 1935, le prince Aimone de Savoie-Aoste, président du Royal Automobile Club italien, autorisa une nouvelle série de récompenses sous son titre de duc de Spolète. Ces prix ont ajouté une nouvelle dimension au concours. Cependant, la Coppa Principessa di Piemonte reste la récompense la plus convoitée, représentant le summum de l’excellence automobile. Cette année-là, c’est la berline Fiat 1500 qui a triomphé dans sa catégorie, remportant cette prestigieuse distinction.
Malgré le succès de la Fiat 1500, le jury conservateur de l’événement a semblé négliger plusieurs conceptions aérodynamiques innovantes présentées par des carrossiers renommés comme Pininfarina et Castagna. Cette décision a suscité des discussions entre passionnés et critiques sur les préférences du jury et l’évolution des tendances en matière de conception automobile.
Déclin de la participation et interruption de 1936
Une baisse notable de la participation est devenue évidente en 1935, le nombre de candidats tombant à quatre-vingts, une diminution significative par rapport au nombre habituel de plus d’une centaine. Cette réduction laisse entrevoir un possible déclin de l’intérêt pour l’événement, même si les raisons précises de cette tendance restent floues.
L’année suivante, 1936, voit une interruption inattendue du concours, sans explication claire quant à son annulation. Cette interruption a soulevé des questions sur l’avenir de cette prestigieuse vitrine automobile.
La renaissance de 1937 et la hausse des candidatures
Le concours fait son grand retour le 12 septembre 1937, sous l’égide de l’Automobile Club de Côme. Ce regain d’intérêt s’est accompagné d’un regain de participation, les inscriptions dépassant une nouvelle fois la barre de la centaine.
Cependant, l’événement de 1937 n’a présenté aucun véhicule remarquable qui a captivé l’imagination du public comme les années précédentes. Le gagnant le plus notable était un cabriolet Pininfarina construit sur un châssis Lancia Aprilia, qui a remporté le premier prix pour les voitures construites sur mesure.
Notamment, la compétition cette année-là comprenait plusieurs voitures produites en série, différant principalement par leur peinture, suggérant une évolution vers des modèles plus disponibles dans le commerce.
La période 1935-1937 du concours automobile de la Villa d’Este reflète une phase de transition, caractérisée par des changements dans les catégories de prix, des intérêts fluctuants des participants et un élargissement du champ des candidatures.
1940-1951 : renaissance automobile d’après-guerre et de la Villa d’Este
L’interruption et la résurgence en 1947
Le début de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1940 met un terme aux activités automobiles civiles en Italie, notamment au prestigieux Concorso d’Eleganza di Villa d’Este.
L’événement, suspendu pendant les années de guerre, marque un grand retour les 27 et 28 septembre 1947. Ce retour symbolise la détermination de l’industrie automobile à se relancer après la guerre. Les carrossiers, qui ont traversé la guerre relativement indemnes par rapport à d’autres secteurs, ont été à l’origine de ce renouveau. Ils ont lancé des activités promotionnelles, organisant notamment un mini Salon de l’automobile au Palazzo dell’Arte de Milan en novembre, compensant l’absence des grands constructeurs.
1947 : un choc des philosophies du design
L’édition 1947 du concours de la Villa Olmo a été un champ de bataille entre différentes philosophies de conception. Giovanni Michelotti, étoile montante parmi une nouvelle génération de designers, était prêt à mettre de nouvelles idées sur le devant de la scène.
Le jury de l’événement a privilégié une somptueuse Lancia Astura décapotable de Stabilimenti Farina. En revanche, le choix du public, le Gran Premio Referendum, a célébré une berline Alfa Romeo 6C 2500 Sport innovante du même carrossier, soulignant une divergence entre les préférences des experts et du public. Un oubli notable du jury a été la sous-reconnaissance de la berlinette Cisitalia, qui deviendra plus tard une marque de l’héritage design de Pininfarina.
Les conceptions discrètes de Touring et la décision biennale
Les designs plus sobres de Touring ont suscité une appréciation limitée, reflétant un écart de compréhension entre le panel et les tendances émergentes. Malgré ces controverses, le concours de 1947 est considéré comme un succès. Cependant, les ressources limitées ont conduit à la décision d’organiser l’événement tous les deux ans.
Changement biennal et spectacle de 1949
Hormis 1948, l’événement de 1949 fut un événement remarquable, symbolisant la fin d’une époque pour la carrosserie italienne à son apogée. Plus d’une centaine de voitures ont participé, présentant des designs classiques et équilibrés de grands noms, un contraste frappant avec la ferveur expérimentale de 1947.
Le choix du jury pour une berline à trois feux Ghia a fortement divergé de celui du public, qui a acclamé la version coupé de l’Alfa Romeo par Touring. La 6C 2500 SS comme un chef-d’œuvre, bientôt surnommée le modèle « Villa d’Este ».
L’événement annulé de 1951 et la crise industrielle
Les projets d’un nouvel événement en 1951 ont été brusquement annulés ; l’instance dirigeante du sport automobile italien annonçant un report pour une durée indéterminée en juillet.
Des spéculations sur un concours triennal en 1952 ont émergé, mais à ce moment-là, l’industrie de la carrosserie était confrontée à une grave crise. Seule une poignée d’entreprises, s’adaptant à la production industrialisée, parviennent à survivre à cette période tumultueuse.
L’époque du Concours d’Élégance de la Villa d’Este, de 1940 à 1951, résume un récit fascinant de renouveau, d’innovation et d’éventuelles difficultés dans le monde de l’automobile. C’était une période marquée par la lutte de l’industrie pour trouver sa place dans un environnement d’après-guerre, aux prises avec l’évolution des goûts, les défis économiques et la marche inévitable vers l’industrialisation.
Années 1980 et 1990 : les efforts de Tito Anselmi et l’implication du groupe BMW
La pause et la renaissance d’un événement légendaire
Après sa dernière itération traditionnelle en 1949, le Concorso d’Eleganza Villa d’Este est entré dans une engourdissement prolongé, disparaissant des yeux du public pendant près de quatre décennies.
Cette interruption s’est poursuivie jusqu’à la fin du XXe siècle, lorsque l’historien et auteur italien Tito Anselmi a été le fer de lance d’un renouveau.
En collaboration avec la Villa d’Este, Anselmi a cherché à ressusciter cet événement autrefois célébré. Leur première tentative en 1986 a marqué un effort important mais solitaire, car cette renaissance mettait en valeur les automobiles classiques du passé, s’écartant de l’accent initial de l’événement sur les véhicules contemporains.
Années intermittentes et menace de fermeture définitive
Le Concorso de 1986, malgré son importance historique, n’a pas réussi à relancer une tradition annuelle cohérente. Il a fallu encore neuf ans avant que le prochain Concorso soit organisé en 1995, suivi d’événements successifs en 1996 et 1997.
Cependant, l’élan a été de courte durée et le Concorso a de nouveau été abandonné en 1998. Cette période d’incertitude fit naître des doutes sur l’avenir de l’événement, avec la crainte qu’il ne soit définitivement relégué dans les annales de l’histoire.
Implication et revitalisation du groupe BMW
La fin des années 1990 marque un tournant pour le Concorso d’Eleganza Villa d’Este, notamment à Cernobbio. L’événement a attiré l’attention du groupe BMW, comprenant des marques telles que BMW, MINI et Rolls-Royce.
Conscient du potentiel et de l’importance historique de l’événement, le groupe BMW en a assumé le patronage exclusif de 1999 à 2001 sous la direction de Christian Eich, alors directeur de BMW Group Mobile Tradition.
Ce partenariat entre Villa d’Este et le groupe BMW, qui fête désormais sa quatorzième année, a été la pierre angulaire de la revitalisation et du succès de l’événement.
Ère moderne et reconnaissance mondiale : le Concorso d’Eleganza aujourd’hui
2002 : un tournant avec les concept-cars et les prototypes
L’année 2002 a marqué une évolution significative pour le Concorso d’Eleganza Villa d’Este, car il est revenu à son esprit fondateur tout en embrassant les futures tendances automobiles. Cette année, une nouvelle catégorie de prix a été introduite pour les dernières études de conception en matière de concept-cars et de prototypes, mêlant harmonieusement le respect des automobiles classiques avec une perspective tournée vers l’avenir sur l’innovation automobile.
Le calendrier des événements annuels
Le Concorso se tient traditionnellement le dernier week-end de mai et propose un large éventail d’activités et d’expositions. Les samedis sont exclusifs, organisés à la Villa d’Este pour les participants, les médias et les invités. Ce cadre privé permet d’apprécier en toute intimité les véhicules et l’ambiance prestigieuse de l’événement.
Accès public et célébration des classiques
Le dimanche, l’attention se porte sur le parc de la Villa Erba, qui ouvre ses portes au public. Ici, les visiteurs ont droit à une exposition spectaculaire de plus de 50 voitures classiques, allant des années 1920 au début des années 1980. De plus, une douzaine des derniers concept cars et prototypes sont présentés, offrant un aperçu de l’avenir du design automobile.
Le concours de motos et les expositions spéciales
Outre les voitures, le concours de motos ajoute une autre couche d’excitation au week-end. Jugée par un jury international, cette manifestation accueille le public le samedi et le dimanche dans l’enceinte de la Villa Erba. Chaque année, l’événement est enrichi par une exposition dédiée sur un thème spécifique, présentant souvent des spectacles spéciaux qui commémorent les étapes marquantes de designers de renom ou présentent les collections de BMW et Rolls-Royce.
Le Concorso d’Eleganza Villa d’Este a non seulement préservé son héritage, mais a également élargi sa portée, célébrant désormais à la fois la riche histoire et l’avenir innovant du monde automobile. Cet événement témoigne de la fascination durable pour l’élégance, le design et l’histoire automobile, attirant des passionnés du monde entier.